Mai 2021

Ça fait quelques jours que je tournicote sur ce que je vais bien pouvoir raconter dans cette newsletter… En lisant celle de Jeff Foster hier*, c’est devenu une évidence : que dire d’autre que ce qui est mon expérience en ce moment ?

Qu’est-ce qui m’empêcherait de dévoiler en toute authenticité ce qui me traverse depuis quelques semaines ? La peur de ne pas paraître assez « évoluée », de perdre de la crédibilité quand je parle des bienfaits du Travail de Byron Katie… L’habitude de me montrer forte… Et sûrement d’autres choses…
Il y a presque deux mois, mon compagnon de route, de vie, est mort subitement. Après le choc, l’anesthésie, toute la palette des émotions est venue à ma rencontre, avec des couleurs plus ou moins agréables, parfois douloureuses et écœurantes. Pendant plusieurs jours, je me suis juste laissée traverser. J’ai aussi beaucoup refusé d’être traversée ! J’ai appelé à l’aide et j’ai accepté de me laisser porter par les autres.
”Des moments où je suis Bouddha, des moments où je suis un mini-Hitler contre moi-même.” Jeff Foster
Dans cette faille provoquée par la perte, le mental s’en est donné à cœur joie pour m’abreuver d’histoires plus blessantes les unes que les autres : « T’aurais dû (à compléter par une centaine de propositions)… », « Tu ne feras/seras plus jamais… (à compléter aussi !) »… Histoires du passé, histoires du futur. Un jour, je suis retournée au Travail et j’ai commencé à les remettre en question, accompagnée par mes collègues, soutenue. « Je ne serai plus jamais heureuse. » Est-ce vrai ? Comment je réagis ? Que serais-je sans la pensée ? Juste là à accueillir ma tristesse du moment, comme une visiteuse…

Ces histoires qui veulent me faire croire que le passé aurait dû être autrement et que l’avenir va être horrible m’ajoutent des couches là où déjà la peine est vive. Elles me font croire aussi que j’aurais le pouvoir de changer le cours des choses. Elles veulent me protéger de l’impuissance. Or c’est quand je touche à l’impuissance, quand je peux m’abandonner, que la gratitude arrive, que je retrouve le lien avec la joie d’avoir rencontré cet homme et d’avoir partagé cette tranche de vie avec lui. Quand je m’abandonne, je vois que le soutien est partout : une amie qui vient à la maison et prend tout en main, une autre qui organise une rencontre Zoom, mes enfants qui rentrent à la maison, le printemps qui m’offre son soleil, ma respiration qui continue, ma bouillotte qui réchauffe mes nuits, des messages de soutien, tous les jours…
Gratitude.
J’observe que la gratitude peut ressembler à de la tristesse, elle fait aussi couler des larmes. D’ailleurs, il est possible que les deux cohabitent. De la place pour tout.
J’observe, beaucoup. Comment ces pensées m’arrivent, je ne les choisis pas, je ne les crée pas, elles viennent me voir et je les attrape… Dès que j’en ai attrapé une, le mal de ventre est là, la pression dans la poitrine. C’est le signal que j’ai quelque chose à regarder.
Ce deuil n’a rien créé, il révèle. Tout ce qui se montre était déjà là.
Je n’ai plus qu’à être le témoin de ce théâtre intérieur. Voir. Sentir. Plonger dans cette question 3 « Comment je réagis, que se passe-t-il quand je crois à… ? » Constater que le témoin va bien. Goûter à « sans la pensée ». Lien, connexion.
Et recommencer quand le personnage suivant entre en scène…

*http://r.lifewithoutacentre.com/achkhlbbedt7e.html